Éditorial : « S’en prendre aux collectivités territoriales, c’est faire courir un risque aux Français »

Édito de Madame la Maire de Châtillon, Nadège AZZAZ, dans le Châtillon Infos de novembre 2024.

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Chères Châtillonnaises, chers Châtillonnais,

Dans le précédent Châtillon Infos, je partageais avec vous mon inquiétude de voir le projet de loi de Finances 2025 diminuer drastiquement les ressources de nos collectivités territoriales. Ces craintes se révèlent désormais, avec la présentation du projet de budget du gouvernement, très largement fondées. Le plan d’austérité promis à nos communes, départements et régions est tout à fait exceptionnel par son ampleur et fait courir un risque réel pour nos services publics et nos investissements de proximité. Aux côtés de l’ensemble des élus locaux, je conteste donc aujourd’hui la légitimité comme l’opportunité d’une telle cure de rigueur.

Illégitime, ce projet de budget en direction de nos collectivités l’est car il se fonde sur de supposées dérives financières qui n’existent pas. Tout d’abord, l’endettement de ces dernières demeure stable depuis 30 ans. Il serait même en légère diminution par rapport à l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) et représenterait aujourd’hui autour de 9% du niveau de l’indice qui mesure la création annuelle de richesse dans notre pays. À titre de comparaison, sur la même période, l’endettement de l’État a bondi de 29% à 89% du PIB. À Châtillon, héritiers en 2020 d’une dette de 80 millions d’euros, nous parvenons depuis à réduire celle-ci de près de 5 millions d’euros chaque année tout en investissant largement.

Dans leur fonctionnement, nos collectivités territoriales sont également en excédent budgétaire là où l’État souffre depuis plusieurs décennies d’un déficit structurel. L’article 1612-4 du code général des collectivités territoriales dispose en effet que celles-ci « doivent voter leurs actes budgétaires en équilibre réel ». Les élus locaux ne peuvent administrer en déficit contrairement aux gouvernements qui se sont succédés depuis des décennies. Cet équilibre budgétaire doit donc être trouvé année après année, en dépit du désengagement continu de l’État, par une rigueur de gestion toujours plus grande. Ce désengagement, nous l’observons financièrement, avec la baisse de nos dotations qui sont liées à des transferts de compétence, mais également en matière d’accès aux services publics de proximité pour lesquels les moyens alloués par l’État déclinent inexorablement. Et qu’il s’agisse d’Éducation, de Sécurité ou encore de Santé, c’est à nos collectivités territoriales, au premier rang desquelles nos communes, qu’ils incombent d’y pallier malgré le professionnalisme constant des agents de l’État. Nous sommes ainsi amenés à devoir faire toujours plus avec moins.

Inopportun, ce projet de budget l’est aussi dans la mesure où il fait fi des conséquences économiques et sociales qui seront les siennes. Les conséquences économiques seront tout d’abord importantes, dans la mesure où l’investissement des collectivités territoriales représentent désormais 3/4 de l’investissement public. L’État investit peu quand les communes, départements et régions viennent pour leur part de réaliser un nouveau cycle exceptionnel entre 2020 et 2025 avec un niveau d’investissement supérieur de près de 28 milliards d’euros par rapport au cycle précédent. En ponctionnant leurs dotations et en amputant les divers fonds, comme notamment le « fonds vert », dédiés à l’indispensable modernisation de notre pays et à la transition énergétique, l’État prend la responsabilité de grever lourdement le niveau d’investissement de nos collectivités. Il en ressortira un poids sur la croissance et l’emploi et donc, in fine, pour les ressources de l’État ce qui ne manquera pas de contribuer à inscrire notre pays dans une dynamique de récession.

Cet affaiblissement des finances locales aura aussi nécessairement des conséquences sociales alors que nos collectivités sont, en matière d’accompagnement des plus fragiles, en première ligne depuis la pandémie et la crise économique et inflationniste qui lui a succédée. Les communes poursuivront leurs efforts pour demeurer au plus près de leur population mais elles seront nécessairement contraintes de devoir procéder à des arbitrages. Alors je souhaite à mon tour interroger légitimement nos gouvernants : A-t-on besoin de moins d’animateurs et d’ATSEM dans nos écoles ? De moins de puéricultrices dans nos crèches ? De moins de policiers municipaux dans nos rues ? De moins de médecins dans nos CMS ?

Dans nos communes, portes d’entrées de nos institutions démocratiques, nous savons trop combien le prix social que ce projet de budget fera payer aux Français est élevé. Suffisamment élevé pour leur faire courir un risque réel.

Soyez assurés de ma vigilance de tous les instants. S’en prendre aux communes, c’est s’en prendre à l’ensemble des Français.

Fidèlement,

Nadège AZZAZ
Maire de Châtillon, Conseillère régionale